13 - Faire cohabiter des valeurs de gauche avec l'entrepreneuriat

Podcast

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Date
12/28/2022
Durée
19mn 02sec

Intro

Salut à toi et bienvenue dans ce nouvel épisode de Libère Ton Moxie, le podcast créatif où on dégomme le syndrôme de l’imposture, un épisode à la fois.

Moi c’est Amélie, je suis stratège de marque et coach pour les freelances créatives et créatifs. Le “moxie”, c’est cette petite étincelle qu’on à tous et toutes au fond de nous, mais qu’on a souvent peur de laisser s’exprimer. Alors ici, on se serre les coudes ensemble pour grandir, oser, et se construire un business créatif qui soit kiffant & rentable !

C’est parti pour ce nouvel épisode !

J’ai longtemps cru que l’argent, c’était le mal.

Hello hello les moxies ! Je suis hyper contente de vous retrouver pour une nouvelle semaine.

Cet épisode, ça fait un moment que je voulais le faire, sans trop savoir pour quel bout prendre le sujet. Donc je l’ai laissé mariner un peu et finalement, l’envie d’aborder ce sujet est revenue d’elle-même so here we go !

Certains et certaines d’entre vous le savent déjà, et je l’évoque également dans l’épisode pilote de ce podcast, mais je suis anarchiste anti-autoritaire. Et queer, et féministe, mais bon, un épisode à la fois, on va y aller tranquillement ! 😅

Et le but de cet épisode n’est pas de centrer la conversation sur l’anarchisme, bien que si ça t’intéresse, je suis toujours ravie d’échanger sur le sujet, donc si ça t’intéresse, je t’invite à slider dans mes DM sur Instagram. Mais juste pour poser le contexte, si tu ne sais pas du tout de quoi il s’agit, l’anarchisme antiautoritaire, c’est avant tout un courant de pensée, une méthodologie (et pas une idéologie) qui n’attend pas une sorte de révolution armée, mais qui prône plutôt la mise en pratique dans le présent de valeurs qui défendent les libertés individuelles et les actions libertaires, mutualistes, et solidaires.

Et quand tu as des valeurs qui sont profondément anticapitalistes et que tu as grandi dans des milieux d’extrême gauche, ben c’est pas facile de naviguer l’entrepreneuriat et de s’y retrouver.

Pourtant, après presque deux ans à naviguer ce joli monde du freelancing et de l’entrepreneuriat et à dégommer plein de croyances limitantes, notamment sur l’argent, je me rends compte que personnellement, j’arrive à vivre mes valeurs et à les mettre en pratique de façon beaucoup plus satisfaisante que dans le salariat, et que dans les milieux militants, que j’ai longtemps fréquenté.

Donc le but de cet épisode, c’est d’explorer ensemble comment on peut faire cohabiter des valeurs de gauche, voire d’extrême gauche, et le monde de l’entrepreneuriat.

Comment on arrive à être en paix avec le fait de vouloir générer un chiffre d’affaire conséquent ?

Comment on navigue le fait de devoir parler de ses offres, de démarcher des personnes, pour qu’elles achètent nos offres ?

Comment on fait tout ça, quand pendant des années, on a intégré le fait que l’argent, c’était le mal.

Que les riches, c’étaient les méchants et les méchantes ?

Que le marketing, c’était une horrible science qui visait à nous manipuler et à nous pousser à acheter des choses dont on a pas besoin ?

Comment on fait, pour ne pas s’auto-saboter, quand on se trimballe toutes ces croyances, et qu’on décide de lancer son entreprise ?

J’espère que t’as un café ou un thé chaud entre les mains, parce que ça va un peu secouer, cet épisode. 😅

“T’es patronne, maintenant !”

Je n’ai pas décidé de lancer mon entreprise sur un coup de tête.J’ai gardé l’idée et l’envie en moi pendant plus de 5 ans.

Je me souviendrai toujours de cet aprem de mars 2014, où je suis tombée sur un article d’une meuf, Caro Hardy, qui avait lancé son blog et qui racontait qu’elle avait tout quitté pour se former seule au développement web et au design, et digital nomade.

À l’époque j’étais bibliothécaire dans une université américaine, et ça me plaisait sans m’exalter non plus quoi. Genre je suivais le flow de mes études, de ce que j’avais entrepris jusque-là, mais ça me stimulait pas de ouf non plus…et j’avais quand même souvent hâte qu’arrive 17h pour rejoindre mes potes en terrasse.

Et en lisant et article, je pense que je suis restée bloquée et genre, fascinée, pendant 20 bonnes minutes. Et je me suis dit mais “wow, c’est possible ça comme vie” ? 😅

On pourrait croire que la suite de l’histoire, c’est que j’ai commencé à me former, et que disons en 2016, 2017, je suis moi-même devenue freelance.

Et ben non, à la place, je suis partie à Montréal, au Québec, pour faire un master en sciences de l’information avec dans l’idée de diriger ma propre bibliothèque. Allô le déni. 😅

Donc j’ai obtenu mon master, mais je ne suis pas devenue directrice de bibliothèque, surprise pour personne, surtout pas pour mes proches. Non, en attendant de trouver le déclic, j’ai été barista dans un petit café très cosy et très cute du village queer de Montréal, Le Pourquoi Pas Espresso Bar. J’ai vraiment adoré cette expérience, qui m’a simplement donné le temps de laisser mijoter les idées, les envies, et qui m’a surtout permis de rencontrer des personnes incroyables, dont des freelances qui venaient travailler tous les jours au café.

De fil en aiguille, c’est venu retitiller cette envie de liberté de temps et de lieu, et en 2018, j’ai eu le déclic et je me suis dit : “Ok. Go. C’est maintenant”.

J’ai passé presque 3 ans à me former en design ui-ux et en branding. Et puis je suis rentrée en France pour d’autres raisons, et j’ai lancé mon entreprise en mars 2021.

Et même si j’ai la chance de bénéficier du soutien de mes proches, il reste que la première chose que mon frère m’a dite, c’est : “Ahalalaaa t’es patronne maintenant quoi !” 🙈

La peur de réussir. Parce que les riches, ce sont les autres.

Alors, je savais que c’était sur le ton de l’humour, mais quand même, j’ai trouvé ça intéressant qu’il fasse ce lien spontanément.

Que dans son esprit, lancer son entreprise était directement corrélé au fait d’être “patron” ou “patronne”. Et quelque part, c’était bien ancré dans le mien aussi.

Les premiers mois, j’étais à fond, je surfais sur le côté grisant d’enfin réaliser ce rêve.

Et puis au bout de 3, 4 mois, le syndrôme de l’imposture et les croyances limitantes se sont fait sentir. J’ai commencé à tourner un peu en rond, à avoir peur de communiquer sur les réseaux, à me sentir bloquée…sans vraiment comprendre d’où ça venait.

Et je crois que c’est à ce moment que je suis tombée sur le podcast J’peux pas, j’ai business d’Aline, et sur un épisode qui parlait de la peur de la réussite. C’était un déclic vraiment, parce que je n’avais pas conscientisé cette peur là en moi.

J’avais toujours été la meuf qui fonce tête baissée, qui tente tout, qui déménage à l’autre bout du monde sur un coup de tête. Et là, alors je réalisais enfin ce rêve et que je m’éclatais, j’étais paralysée par la peur.

Parce que, qu’est-ce qu’il se passe si je réussis ?Et ça voulait dire quoi pour moi, réussir ?

Quand tu grandis dans un milieu où “les riches, c’est les autres”, ou l’argent c’est le mal, et que toi-même tu es anticapitaliste, ben…c’est un peu Tekken 3 à l’intérieur de toi en fait. 😅

D’un côté, l’émulation du monde entrepreneurial que tu découvres, avec le champs des possible complètement ouvert.

Et de l’autre, tes valeurs et tout ce que tu as toujours entendu et qui te fait croire que au fond, c’est pas vraiment possible pour toi.

Genre t’as le droit de jouer dans le petit bassin tu vois, tranquille, mais sauter du plongeoir dans le grand bain, c’est pour les autres.

Ré-inventer les codes pour trouver un terrain fertile

Donc, comment on fait pour accepter de vouloir réussir, tout en pensant que l’argent et le marketing c’est le mal ?

Je pense que la réponse est différente pour tout le monde.Dans mon cas, la réponse tient en trois mots : changer de perspective.J’avais pris conscience que la peur de la réussite me paralysait.

Mais c’était pas la seule chose. Après 3, 4 mois à m’imprégner de ce monde, sur Instagram, sur Linkedin, sur YouTube…J’ai trouvé autant de très belles choses que de trucs franchement dégueux.

J’ai découvert les injonctions du monde entrepreneurial, le démarchage poussif et non consenti (coucou les vocaux non sollicités sur Instagram 👀), le marketing utilisé de façon hypocrite et pas du tout respectueuse du libre arbitre des gens, etc.

C’était l’ensemble de tout ça qui me bloquait en fait. J’adorais le fait de pouvoir créer librement, de pouvoir enfin me construire un rythme qui me convienne et m’affranchir des injonctions du 9h-17h. Mais je ne me retrouvais pas du tout dans ces méthodes marketing poussives et cette espèce de course aux chiffre d’affaire et au nombre d’abonné.es Instagram.

En fait, pour moi, ça retirait du sens profond dans ce que j’essayais de construire.Donc j’ai pris le temps de me poser les bonnes questions.Pourquoi je fais ça ? Qu’est-ce que j’aspire à faire avec l’argent que je génère ?Qui je veux aider ? À quoi je veux contribuer, et de quelle façon ?

Et trouvant les réponses à mon rythme, je suis parvenue à débloquer certaines choses et à oser ré-inventer les codes que je voyais autours de moi. Enfin je les ai pas ré-inventés hein, ils étaient déjà là, mais bien caché sous la masses de bullshit marketing qu’on nous sert. 😅

J’ai pris le temps de travailler sur certains croyances, notamment sur l’argent et la vente.J’ai finalement compris que l’argent était neutre, et surtout, j’ai compris que je pouvais m’en servir pour mettre en pratique mes valeurs de gauche de façon bien plus satisfaisante que quand j’étais dans le salariat à bosser des heures de dingues pour un salaire pas ouf, finir fatiguée le week-end et au final ne pas construire grand chose.

Au final, j’ai fait la paix avec l’envie de gagner de l’argent en remettant tout simplement mes valeurs au centre. En remettant l’humain, au centre.

J’ai construis ma vision et mes objectifs sur des projets qui me permettent de mettre en pratique mes valeurs et donc d’être beaucoup plus en paix avec le fait de vendre, d’utiliser le marketing, etc. Parce que je sais pourquoi je le fais, et que c’est cohérent avec la façon dont je veux vivre.

Marketing éthique & démarchage doux

S’il y a une donnée qui me tient beaucoup à coeur dans l’anarchisme antiautoritaire, c’est celle de faire tout notre possible pour intégrer cette méthodologie de l’anarchisme dans le présent.

C’est-à-dire que les actions qu’on fait ne sont pas faites dans l’unique but d’une révolution future etc., mais dans l’optique d’insérer dans le présent, dans le quotidien, le plus de valeurs et de petites actions libertaires et solidaires possible.

Et ça, ça guide tous les jours ma façon de communiquer et de vendre mes offres.Tout est dans l’intention qu’on met dans ce qu’on fait au final. Et c’est là où les valeurs viennent jouer un rôle important dans notre stratégie de marque. Dans le sens où, pour moi, mes valeurs sont aussi un élément différentiant. Assumer mes valeurs, les mettre en pratique, ça contribue à attirer mon audience cible, et à faire fuir les personnes…qui ne partagent pas du tout mes valeurs et avec qui je n’ai pas envie de travailler.

Donc en pratique, ça passe par quoi ?

En premier, ça passe par une réelle bienveillance dans la façon de communiquer et de mettre en avant ce que je fais. Donc notamment par un marketing éthique (des prix transparents et annoncés rapidement, des CGV accessibles, du démarchage doux et consenti, etc.

Ça passe aussi par la volonté de nourrir des conversations avec mon audience au-delà des conversations avec un objectif de vente derrière. C’est-à-dire que oui, parfois il y a des conversations qui sont de la teneur du démarchage consenti. Mais pour moi c’est tout extrêmement important d’avoir aussi des conversations dont l’unique but est de faire connaissance, de partager des choses, de s’entraider, comme on le ferait dans la vraie vie quand on rencontre.

Genre si tu vas dans un coworking ou un café régulièrement, et que tu rencontres des gens, tu vas pas toujours engager la conversation dans l’idée de vendre tes services aux gens. Enfin en tous cas si tu le fais je pense que y a pas mal de gens qui arrêterons de te parler assez rapidement. 😅

Donc je trouve ça assez fascinant que via nos écrans et à l’écrit, on oublie rapidement que ce sont des personnes derrière, avec qui on peut vraiment juste discuter et voir où les affinités vont sans toujours chercher à vendre quelque chose derrière.

Le passage à l’achat est basé sur la confiance. Quand tu vends des prestations de service et que tu as une marque personnelle, cette confiance elle est construire entre toi et ton audience cible, sur la base de plusieurs choses, mais aussi sur la base de la conversation.

C’est-à-dire que si demain, j’ai besoin de faire appel à une personne experte en copywriting, et qui est là autours de moi et dans mes contacts, je vais clairement plus aller vers une personne à qui j’ai déjà parlé et avec qui je m’entends bien, que avec une personne qui est venue trois fois me répéter qu’elle cette offre trop cool.

C’est ça la base du démarchage consenti aussi. C’est entretenir des conversations vraiment bienveillantes, et construire une communauté en sachant que lorsque les personnes auront besoin de tes services, elles penseront à toi.

Approche stratégique centrée sur l’individu davantage que le marché

L’autre chose que mes valeurs de gauche influencent, c’est mon approche de la stratégie de marque pour les marques personnelles.

Quand j’ai commencé à me former en stratégie et en marketing, je suis tombée sur plein d’approches centrées sur le marché et la concurrence. Dans le sens où pour construire une marque forte et efficace, il fallait absolument passer énormément de temps à étudier le marché, la concurrence, dans les moindre détails, et trouver le filon qui va fonctionner pour gagner des parts de marché quoi.

Alors, oui, évidement, connaître ton marché et ta concurrence, c’est important, mais dans mon approche, c’est aussi secondaire.

Je me suis rendue compte que dans un marché saturé, comme l’est celui du graphisme et du brand design, c’est pas une étude du marché poussée qui va faire la différence.

C’est toi. C’est ta capacité à te sentir légitime et en confiance pour porter ta marque et des services qui fait la différence.C’est ta capacité à analyser où sont tes vraies forces, et tes vrais kiffes, pour ensuite construire des offres stratégiquement basée sur ces forces, qui fera la différence.

Parce que tu peux construire les offres les plus originales et connaître ton marché sur le bout des doigts, si tu n’as pas pris le temps d’analyser réellement ce dont toi tu as as envie, ben ça risque de s’essouffler très vite.

Donc pour moi, cette approche davantage basée sur l’individu plutôt que sur le marché, ça me permet d’être plus cohérente avec mes valeurs, mais c’est aussi une façon de construire des marques personnelles qui tiennent vraiment la route sur le long terme.

Parce que clairement, si je n’avais pas fait ce travail-là pour moi-même, je serais encore en train d’essayer de vendre des offres d’identité visuelle avec un processus de travail qui ne me correspondait pas du tout, et mon business n’aurait potentiellement jamais décollé. 😅

Donc pour conclure, oui, c’est possible de faire cohabiter des valeurs de gauche avec le fait de vouloir faire grandir une entreprise. Le secret, c’est de trouver un équilibre et d’utiliser les outils à notre disposition de façon cohérente avec nos valeurs.

On arrive à la fin de cet épisode, j’espère qu’il t’aura plus, qu’il t’aura fait réfléchir aussi. Et que si de ton côté, tu trouves ça aussi un peu compliqué de mettre en pratique tes valeurs de gauche dans ton business, que ça t’aura rassuré.e et donné quelques pistes d’exploration.

Si cette approche de la stratégie de marque te parle, et que tu as envie de travailler les fondations de ton business avec moi, je te mets les liens de mes deux offres de coaching dans la description de cet épisode, et je t’invite à venir prendre un petit café-visio avec moi pour en parler.

Il ne me reste plus qu’à te souhaiter une très belle semaine, pleine d’audace, et de moxie ! À lundi prochain !